Pour les articles homonymes, voir Affaire Borrel (homonymie).
Bernard Borrel était un Magistrat français.
Il a été procureur de Lisieux de 1988 à 1995, avant d'être détaché en tant que conseiller technique en avril 1994 auprès du ministre djiboutien de la Justice pour effectuer des missions de coopération.
Bernard Borrel disparaît à Djibouti le 18 octobre 1995 : on retrouve son cadavre le lendemain, en partie calciné au pied d'une falaise. L'hypothèse du Suicide a été dans un premier temps privilégiée par les autorités djiboutiennes et françaises. Mais le 6 février 1996 , les faits sont requalifiés par la justice française, à la suite d'une information judiciaire, en Assassinat. Une instruction sur l'assassinat de Bernard Borrel est encore en cours, actuellement dirigée par le juge Sophie Clément du tribunal de Paris.
Élisabeth Borrel, sa veuve, elle-même magistrate à Toulouse, accuse l'actuel président djiboutien Ismail Omar Guelleh d'être l'un des commanditaires de l'Assassinat de son mari. Elle a également déposé une plainte pour subornation de témoins contre les services secrets djiboutiens (instruction menée par la juge Magali Tabareau) et une plainte pour pressions sur la justice de la part de l'administration française (instruction menée par Fabienne Pous et Michèle Ganascia).
Selon Bernard Nicolas, l'affaire Borrel est particulièrement marquée par « une ingérence de la diplomatie sur la justice ». 2 instructions sont cependant toujours en cours : seul un procès sur l'affaire de subordination de témoins est prévu.
Article connexe : .
Contexte
Contexte diplomatique
Article détaillé : .Djibouti est une ancienne colonie française dans laquelle est installée la première base militaire française à l'étranger avec une garnison de 2 700 hommes, : outre la base aérienne 188 Djibouti, Djibouti est également le siège du 5e régiment interarmes d'outre-mer. Elle offre en effet une position stratégique pour ces forces militaires, avec un accès à la Mer Rouge (et donc, au Canal de Suez) et au Golfe Persique, ainsi qu'un terrain d'entraînements militaires en situation aride.
Cette coopération militaire entre la France et Djibouti remonte à l'indépendance de cette dernière, le 27 juin 1977 ,, et a été reconduite par une convention bilatérale le 3 août 2003 , dans laquelle la République française s'engage à payer une contribution forfaitaire de 30 000 000 d'euros par an, en contrepartie de la présence des forces militaires françaises sur le territoire de Djibouti jusqu'en 2015 au moins.
Cependant, les États-Unis y ont également déployés, après les attentats du 11 septembre, une force opérationnelle de près de 1 800 hommes, dans le cadre de l'opération Enduring Freedom - Horn of Africa,. Cette présence militaire concurrence maintenant ouvertement celle de la France.
Contexte politique
Articles détaillés : .Le territoire de Djibouti a été composé par la France lors de la colonisation, sans tenir compte des réalités ethniques et politiques. On retrouve donc à Djibouti deux principales ethnies :
- Les tribus d'origine somalienne (Issas, gadabursi, Issak,etc..) représentent 60% de la population. C'est un peuple d'origine somalienne, installé principalement sur les deux-tiers sud du pays.
- Les Afars (ou danakils)sont une ethnie minoritaire (35% de la population), d'origine éthiopienne, principalement installés au nord de Djibouti.
Djibouti a ainsi été nommé Côte française des Somalis (1894-1967) et Territoire français des Afars et des Issas (1967-1977), avant de prendre son nom actuel à l'indépendance.
Pendant l'époque coloniale, la France privilégie dans un premier temps les Afars avant de favoriser les Issas. ainsi Djibouti s'appelle d'abord Côte française des Somalis puis Territoire français des Afars et des Issas en 1967: les Issas réclamaient le rattachement de Djibouti à la Somalie, tandis que les Afars étaient partisans de la présence française.
La France tarde également à accorder son indépendance à Djibouti, afin de profiter de son positionnement stratégique. Alors que la principale vague de Décolonisation a lieu dans les années 1960, Djibouti n'accède à l'Indépendance qu'en 1977. Des mouvements indépendantistes Issas se forment alors dans les années 1970, aidés par la Somalie. 5 Issas prennent d'ailleurs en Otage, en 1976, un car scolaire transportant des enfants de militaires français. Finalement, par la voie du Référendum, le pays accède à l'indépendance.
Après l'indépendance, un Issa, Hassan Gouled Aptidon, est élu premier président de la République de Djibouti ; il était prévu que son premier ministre soit alors issu de l'ethnie des Afars. Gouled installe cependant, en 1981, un régime autoritaire, avec un parti unique, le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP). En 1987, un attentat attribué (par le pouvoir) aux Afars tue 5 Français à la terrasse d'un café. Le 27 septembre 1990 se déroule également un attentat au Café de Paris de Djibouti, lieu de rencontre de la communauté française. Cet attentat à la grenade fit un mort (un enfant de six ans, fils d’un militaire français basé à Djibouti), et blessa une dizaine de personnes.
C'est le début, en 1991, d'une guerre civile entre les afars et le pouvior somalien aidés par les français. la révolte afar est menée par le Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD). Elle ne prendra fin qu'en 1995.
Contexte judiciaire
L'affaire Borrel se déroule également avec, en toile de fond, l'enquête sur l'attentat du Café de Paris. Le
Juge d'instruction Roger Le Loire est chargé de l'enquête, et Bernard Borrel l'assiste dans ses recherches.
Selon l'instruction, Aden Robleh Awaleh, président du Parti national démocratique djiboutien (opposition), a commandité cet attentat. Il a néanmoins toujours clamé son innocence, et pense que cette accusation n'est qu'un « prétexte à un règlement de compte politique ». Il a été jugé le 9 avril 2001 par la Cour criminelle de Djibouti pour cet attentat, reconnu coupable, et condamné à six mois de prison avec Sursis. Bien que l'instruction ait duré plus une dizaine d'années, la date du procès n'a été fixée qu'une semaine auparavant, surprenant tous les avocats ; le procès lui-même n'a duré que 6 heures.
Biographie
Bernard Borrel sort
Major de la promotion
« juge Michel » de l'École nationale de la magistrature. Substitut du procureur à
Privas en en
1982, il y rencontre Élisabeth Borrel, où elle n'est encore qu'auditrice de justice. Elle y sera nommée
Juge des enfants à la sortie de l'ENM. Plus tard, Bernard Borrel est nommé procureur de la République à
Lisieux, et Élisabeth Borrel juge d'application des peines à Caen.
Ils se marient en 1985 et auront ensemble deux enfants, Louis-Alexandre et François-Xavier.
En tant que juge d'application des peines, Élisabeth Borrel a été agressée trois fois dont une prise d'otage le 29 décembre 1991 au centre pénitentiaire de Caen. Finalement, à la faveur d'une circulaire de mutation, Bernard Borrel apprend qu'un poste de coopérant se libère pour travailler comme magistrat détaché auprès du ministre de la justice djiboutien. Il faudra attendre trois ans pour que Bernard Borrel y soit effectivement nommé. En Avril 1994, la famille s'installe à Djibouti.
Assassinat
Le corps de Bernard Borrel a été découvert carbonisé sur sa partie supérieure le
19 octobre 1995 au bas d'une
Falaise à 80 kilomètres de
Djibouti, devant l'île du Diable. Il était vêtu d'un slip et d'un
Tee-shirt. Sa
voiture était garée en haut de la falaise, son short plié et un
Jerrican d'essence posés à côté. Le long de la descente ont été trouvé différents objets lui appartenant dont l'une de ses
chaussures intacte.
À la découverte du corps, la thèse du Suicide prédomina, l'ambassade de France à Djibouti informant même le Quai d'Orsay du suicide du juge Borrel avant même l'Autopsie. Le juge Borrel se serait embrasé à côté de sa voiture après s'être aspergé d'essence et aurait descendu l'à-pic avant de s'effondrer mort en bas de la falaise. Cette thèse fut d'abord accréditée par le fait que Bernard Borrel avait retiré 50 000 Francs sur son compte et écrit une lettre d'adieu à sa femme. De plus plusieurs rumeurs concernent sa vie personnelle, il aurait entre autres eu des liaisons et aurait été sur le point de divorcer. Il faut toutefois préciser que ces rumeurs n'ont au mieux jamais été confirmées, au pire inventées pour prouver a posteriori la version du suicide.
Un rapport de la DGSE à ce sujet conclut au suicide et que, selon elle, l'Hypothèse d'un Assassinat est peu justifiée. C'est pour cela que le gouvernement français soutient aujourd'hui l'actuel président djiboutien dans l'affaire.
L'instruction conclura d'abord à la thèse du suicide après autopsie effectué en février 1996 et une reconstitution de Mars 2000 filmée et diffusée en partie dans un reportage de l'émission 90 minutes diffusée sur Canal+ consacré à l'affaire Borrel. Une seconde autopsie et reconstitution auront lieu en 2002 après le désaisissement des premiers juges d'instruction. Elles concluront que le juge Borrel n'a pas pu se suicider.
Mohammed Saleh Aloumekani, un ancien officier de la garde présidentielle de Djibouti, a affirmé devant la juge Sophie Clément avoir surpris le 19 octobre 1995 , au lendemain de l'assassinat du juge, dans le Jardin du Palais présidentiel de Djibouti une conversation entre six hommes, dont l'actuel président djiboutien, Ismail Omar Guelleh, alors Chef de cabinet du président Gouled Aptidon, Hassan Saïd, chef des services de Sécurité et Awalleh Guelleh et Hamouda Hassan Adouani. Les interlocuteurs d'Ismail Omar Guelleh seraient venus lui rendre compte de « l'élimination du juge fouineur » et de la disparition des traces du crime.
Le Procureur de Djibouti Djama Souleiman est soupçonné d'avoir tenté de faire pression sur Mohammed Saleh Aloumekani pour qu'il revienne sur son témoignage. Le chef des services secrets Hassan Saïd serait également intervenu pour que le capitaine Iftin, chef de la garde présidentielle de Djibouti en 1995, rédige une attestation discréditant Mohammed Saleh Aloumekani.
L'enquête djboutienne sur la Mort du juge a conclu au Suicide mais l'enquête française privilégie la thèse d'un Assassinat en se fondant notamment sur une série d'expertises de médecine légale. Un bilan objectif des indices relevés a ce jour conduit à une contradiction qui devra être surmontée pour pouvoir conclure :
- Bernard Borrel semble avoir eu conscience de l'approche de sa mort (paroles pessimistes à son épouse, lettre de « dernières volontés »sur certains points étranges dont le retrait et l’inemploi d’une forte somme) et pourrait avoir (consciemment ou non) contribué à certains aspects de sa préparation (utilisation et remplissage en essence de son propre jerrican, qui sera retrouvé sur le lieu de sa mort).
- Au contraire, il semblerait que sa mort ait vu l'intervention directe d'un tiers (accompagnement vers le lieu de sa mort par un autre personnage, fractures d'origine non accidentelle, aspersion en liquide inflammable ne pouvant provenir que d'un tiers).
La responsabilité du président djiboutien et de membres de son entourage dans la disparition du juge a été évoquée par plusieurs témoins lors de l'instruction. .
Vers Djibouti
- Le 19 octobre 2006 , la juge Sophie Clément a délivré des mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de deux repris de justice en fuite, Awalleh Guelleh et Hamouda Hassan Adouani. « L'enquête menée établissait qu'il s'agissait d'un Assassinat », écrivait la juge Sophie Clément dans les motifs des mandats d'arrêt. La juge souhaite comparer leur ADN à des empreintes génétiques inconnues retrouvées sur le short du juge.
- En Mai 2005, la juge a demandé à entendre le président djiboutien, en visite à Paris où il avait rencontré le président Jacques Chirac à l'Élysée, mais M. Guelleh avait quitté la capitale sans se rendre à la convocation de la magistrate. En Février 2007, la juge Sophie Clément a demandé à entendre comme témoin le président djiboutien Ismail Omar Guelleh, qui devait participer au sommet Afrique-France à Cannes.
Fin Septembre 2006, la cour d'appel de Versailles a ordonné la diffusion de mandats d'arrêt contre le procureur de la République Djama Souleiman et Hassan Saïd, le chef des services secrets de Djibouti pour une éventuelle « subornation de témoins ». Parallèlement, la juge d'instruction Sophie Clément a transmis au procureur de la République de Paris une demande de Réquisition concernant la délivrance de deux mandats d'arrêt visant les principaux suspects de l'assassinat du juge Bernard Borrel, Awalleh Guelleh et Hamouda Hassan Adouani.
Vers la Tunisie
Le tunisien
Hamouda Hassan Adouani est soupçonné d'avoir participé à « l'
Assassinat » du juge français à
Djibouti en
Octobre 1995 et est considéré comme l’exécutant le plus probable du meurtre avec
Awalleh Guelleh, un autre repris de justice.
Sur commission rogatoire internationale de la Juge d'instruction Sophie Clément, Hamouda Hassan Adouani a été entendu par un juge tunisien. Il est actuellement en liberté dans son Pays d'origine, la Tunisie et la France n'ayant pas de convention d'Extradition. Lors d’une précédente audition réalisée à la demande de la France par le doyen des juges d’instruction tunisien, Hamouda Hassan Adouani avait nié toute participation à la mort de Bernard Borrel. A l’époque des faits, il purgeait une peine de 20 ans de réclusion après avoir commis un attentat anti-français.
Un prélèvement de l'ADN d'Hamouda Hassan Adouani a été effectué. Il ne correspond pas à celui retrouvé sur le short du juge français.
Subornation de témoins
Le juge Magali Tabareau du tribunal correctionnel de
Versailles est chargée d'une information judiciaire pour « subornation de témoins ». Un ex-membre de la garde présidentielle djiboutienne, Mohamed Saleh Aloumekani, exilé en
Belgique, avait affirmé en décembre 1996 avoir entendu, le jour de la mort du juge, cinq hommes déclarer à l'actuel président djiboutien Ismail Omar Guelleh, que « le juge fouineur est mort » et qu'« il n'y a pas de trace ». Le président Guelleh était alors le directeur de cabinet de son prédécesseur. La famille de Mohamed Saleh Aloumekani a été bannie de Djibouti en octobre 2007 et expulsée vers le Yemen. .
Le second témoin, menacé de représailles sur sa famille, est Ali Iftin, l'ex-chef de la garde présidentielle. Également réfugié à Bruxelles, il avait affirmé que le chef des services secrets djiboutiens l'avait obligé à mentir.
Le procureur général de Djibouti Djama Souleiman et le chef des services secrets Hassan Saïd ont été renvoyés pour le délit de "subornation de témoins" devant le tribunal correctionnel de Versailles par une ordonnance du juge Magali Tabareau datée du 20 août 2007.
Pressions sur la justice
Depuis 2004, les autorités djiboutiennes souhaitent se voir reconnues compétentes pour mener l'enquête sur l'assassinat du juge Borrel. Or, le
29 janvier 2005 , le ministère des affaires étrangères français assure publiquement, par communiqué de presse, qu'une copie du dossier d'instruction français relatif au décès de Bernard Borrel serait « prochainement transmise à la justice djiboutienne », qui en avait fait la demande. Cette communication est intervenue dix jours avant que la juge Sophie Clément, chargée de l'instruction de l'assassinat de Bernard Borrel, ne soit officiellement saisie de cette demande d'entraide judiciaire. La juge Sophie Clément refusera plus tard, le
8 février 2005 la transmission, estimant notamment que la demande de Djibouti avait « pour unique but de prendre connaissance de pièces mettant en cause le procureur de la République de Djibouti ».
Le comportement d'Hervé Ladsous, alors porte-parole du quai d'Orsay, s'analyse, selon Élisabeth Borrel, en une pression sur la juge Clément. Elle dépose alors une plainte avec constitution de partie civile, et une enquête est confiée aux juges Fabienne Pous et Michèle Ganascia le 2 mars 2006 .
À cette fin, Hervé Ladsous et Pierre Vimont (directeur de cabinet du ministre des affaires étrangères) ont été auditionnés le 21 mars 2007 en tant que témoins assistés. Il ont tous deux affirmés qu'ils s'étaient contentés de publier un communiqué préparé par Laurent Le Mesle, alors directeur de cabinet du ministre de la justice Dominique Perben, et Michel de Bonnecorse, responsable de la cellule Afrique de l'Élysée,. Une perquisition a ensuite été menée le 19 avril 2007 au ministère des affaires étrangères français, puis le lendemain au ministère de la justice français .
Ministère des affaires étrangères
Une note de l'ambassadeur de France à Djibouti, dont l'
AFP a eu copie, montre que c'est l'Etat français qui a le premier suggéré à Djibouti d'attaquer la France en justice pour faire plier la juge. « Ils réfléchissent à notre idée de recours à la CIJ (Cour internationale de justice) », écrit le
25 juin 2005 le
diplomate en rendant compte d'un entretien avec son homologue djiboutien. Djibouti saisira la CIJ le
12 janvier 2006 afin d'obtenir la communication du dossier Borrel et aussi l'annulation de convocations, en qualité de
témoins assistés, de hauts représentants de l'État djiboutien, dont Ismail Omar Guelleh.
Le soutien de la France à Djibouti transparaît également dans les notes de travail de la direction Afrique du quai d'Orsay, destinées à préparer la rencontre Chirac-Guelleh du 17 mai 2005 . « Nous sommes votre premier partenaire au développement, votre premier partenaire commercial. Nos relations sont excellentes à tous points de vue. Il n'existe qu'une seule ombre à ce tableau : l'affaire Borrel », écrivent les diplomates en invitant Djibouti à la « surmonter ».
Une note rédigée le 21 avril 2004 par Pierre Vimont, directeur du cabinet du ministre des affaires étrangères, et saisi en avril 2007 attesterait de pressions sur la justice française. Destinée au ministre Michel Barnier avant une rencontre avec Jacques Chirac, il y figure au paragraphe "Djibouti" : "Faute d'avoir obtenu un accord de la part du parquet pour que ce dernier fasse une déclaration exonérant les autorités de Djibouti de toute implication dans l'assassinat du juge Borrel, le Quai d'Orsay s'est associé à la défense pour rédiger un communiqué très ferme."... "Vous pourriez indiquer au président que la situation a donc été rétablie conformément à son souhait." ,
Ministère de la justice
Selon les documents saisis en
Avril 2007 à la Chancellerie et au Quai d'Orsay, le ministère de la Justice dirigé par
Dominique Perben s'est secrètement engagé, dès
2004, à remettre l'
enquête sur le juge Borrel aux autorités de
Djibouti. Cette transmission du dossier a cependant été refusée, le
8 février 2005 par la
Juge d'instruction Sophie Clément. « Je vous remercie de veiller à ce qu'il soit apporté une réponse favorable à la demande formulée par les autorités djiboutiennes » écrivait le
30 juillet 2004
Laurent Le Mesle, directeur de cabinet du
Garde des Sceaux. En
Janvier 2005,
Laurent Le Mesle assurait à l'
Ambassadeur de Djibouti en France avoir « demandé à ce que tout soit mis en oeuvre pour que la copie du dossier d'
instruction (...) soit transmise au ministre de la Justice de Djibouti ».
Présidence de la République
Après cette première vague de perquisitions, Michel de Bonnecorse, conseiller chargé du département Afrique de l'Élysée, déclare dans
Jeune Afrique :
« contrairement à ceux qui préjugent de l’assassinat de Bernard Borrel sur ordre des autorités djiboutiennes, confie-t-il, je préjuge, moi, qu’il s’est suicidé »
Cette remarque est également analysée par Élisabeth Borrel comme une tentative de pression sur la justice.
Jacques Chirac et la présidence de la République seraient mêlés à ces pressions sur la justice. D'après des documents saisis au quai d'Orsay, et à la Chancellerie et cités par le journal Le Monde, l'idée de saisir la Cour internationale de justice contre la France pour contourner la Juge d'instruction Sophie Clément et avoir accès au dossier a été suggérée par Jacques Chirac au président djiboutien. Parmi ces documents, figurent des notes sur la préparation puis sur les retombées d'une rencontre à l'Élysée le 17 mai 2005 entre Jacques Chirac et le président Ismail Omar Guelleh, durant laquelle l'affaire Borrel est longuement abordée. « En sortant de son entretien avec le PR (Président de la République), IOG (Ismaël Omar Guelleh) avait quasiment compris que cette histoire de CIJ était une formalité et qu'après un échange de courrier, ils (ndlr, les Djiboutiens) auraient le dossier dans les 15 jours », écrit notamment, le 29 juillet 2005 , un membre de la direction d'Afrique du Quai d'Orsay à son directeur.
Le 2 mai 2007 , les deux juges ont tenté en vain de perquisitionner la cellule africaine de l'Élysée, mais l'accès leur est refusé par les gendarmes, en vertu de l'article 67 de la Constitution.
L'article 67 prévoit que « le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de Forclusion est suspendu ». De plus, « les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions ». Les juges avaient argué qu'ils ne s'intéressaient qu'au bureau d'un collaborateur, pas à Jacques Chirac et que cette règle ne s'appliquait donc pas.
Toujours selon des documents auxquels l'AFP a eu accès, des conseillers de Jacques Chirac lui proposent, dans un argumentaire, d'assurer à son homologue djiboutien que sa « colère est parfaitement compréhensible ». « Nous avions pris l'engagement de vous transmettre ce dossier. Malheureusement les services de la Chancellerie avaient mal évalué les conséquences d'une telle transmission. Dominique Perben pourrait être poursuivi par Mme Borrel pour forfaiture », poursuit l'argumentaire en assurant « que les autorités françaises font le maximum de ce qui est en leur pouvoir ».
Rôle de l'Armée française
L'armée française basée à Djibouti aurait été la première informée de la mort du juge (Le Figaro du 9 juillet 2007). Les gendarmes français de la prévôté d'
Arta semblent avoir été les premiers à avoir eu connaissance du drame le 19 octobre 1995. Ils affirment que lors d'une patrouille, deux d'entre eux se seraient arrêtés en bordure d'une falaise, intrigués par la présence d'un véhicule inoccupé ; c'est là qu'ils avaient découvert le corps calciné du juge en contrebas de la route. L'heure de la découverte consignée dans la procédure est 7 h 20. Selon un officier de renseignement de l'état major des Forces françaises, plusieurs responsables de l'armée française étaient au courant dès 5 h 30. Pour certains, "il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait d'un assassinat" (selon Le Figaro).
La commission consultative du secret de la défense nationale a rendu un avis favorable le 3 août 2007 sur la déclassification par le ministère de la défense de plusieurs dizaines de documents concernant ce dossier. Il revient maintenant au ministre de la défense Hervé Morin de suivre ou non l'avis de la CCSDN. Ce sont plus de 200 pages de documents que la juge Sophie Clément pourrait pouvoir consulter, notamment les "journaux de marches et des opérations" de plusieurs unités militaires françaises, dont certaines basées à Djibouti.
Bibliographie
- Élisabeth Borrel, Bernard Nicolas, Un juge assassiné, Flammarion, Paris, 4 octobre 2006, broché, 383 p.(ISBN 2080689762)
Chris Laffaille Aux Portes de l'Enfer. L'inavouable vérité de l'affaire Borrel Scali 31 Janvier 2008 338 pages broché isbn 978-2-35012-203-8
Notes et références
..
42. Chris Laffaille," La thèse du suicide demeure", dans Paris-Match No 2533 du 6 juin 2007 p 90-95
Voir aussi
- Articles connexes
- Liens externes
Suivi de l'actualité de l'affaire
Plate-forme de suivi de la requête déposé par Djibouti contre la France auprès de la Cour internationale de justice
Dossier documentaire sur l'affaire Borrel, à l'occasion de la première diffusion du documentaire Révélations sur un suicide impossible de Bernard Nicolas et Jean-Claude Fontant